Texto en español en Breves no tan breves: "Uñas"
Traducido al francés por
Rafael Blanco Vázquez
Une nuit mes ongles poussèrent
de façon démesurée. Ce signe
de primitivité me fit honte et je décidai de les couper. Cependant, à mesure qu’ils
tombaient dans le lavabo, une tristesse minérale me gagnait. Il y avait quelque
chose d’injuste dans ce rituel de toilette; une espèce de profanation,
comme si on arrachait les branches d’un arbre centenaire.
Le lendemain à l’aube ils se
montrèrent aussi longs que la veille. Mais cette fois je décidai de leur
laisser libre cours. La situation en soi n’était pas tellement
problématique : je ne travaille pas ; les rentes que je perçois pour d’anciennes affaires de
famille me suffisent. Je suis veuf et seul depuis des années.
Leur
longueur augmenta graduellement ; ils finirent même par se ramifier de
manière inattendue. Ce qui pour beaucoup était répugnant me procurait une
inhabituelle sensation de plaisir.
Mes ongles
n’étaient pas profanés par la crasse du monde. Ils poussaient pleins de puissance,
de blancheur, comme la nacre d’antiques formes géologiques.
Il y a des jours où je crois
apercevoir dans leur développement les formes changeantes d’une frise indienne.
Peu à peu j’ai été recouvert
par moi-même. J’ai une seule crainte. L’index gauche, rebelle, a fait naître
une formation trop aiguisée qui, après un long détour dans toute la maison,
pointe désormais vers mon cou.
Vu la situation, il est
impossible que je me mette à chercher des ciseaux. Mais même si j’en avais à
portée de main, je ne me résoudrais pas à détruire une œuvre qui balance entre
le baroque et l’atroce.
Je n’attends plus de pitié,
juste que cet ongle fasse vite.
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